J'avais un ami, en 2001, qui m'a aidée à passer un cap difficile. On s'entendait bien, surtout à cause de sa poésie. Puis un jour, il a changé de portable, de goût ou d'amie.
Je ne pouvais plus le joindre mais, assidue, j'ai continué de l'appeler.
Ne comprenant pas son silence, j'ai insisté. Pendant quatre mois. Sans m'en rendre compte, au fil de tous ces messages qui s'enregistraient sur un répondeur (jusqu'à vingt par jour !), je me livrais toute entière (en tout bien tout honneur, naturellement).
En visite chez ma copine Virginie, j'appelle une fois de plus. E là, enfin, une voix me répond :
- Madame, vous ne parlez pas à qui vous pensez. Depuis quelque temps j'ai un abonnement chez Orange et apparement, on m'a attribué l'ancien numéro de votre ami. Il y a un bon moment que je reçois vos messages, et je ne savais pas comment vous joindre.
Orange a changé ma chanson ! Euh, non, plutôt, Orange a donné le numéro de mon ami à un quidam...
Je me fache :
- Quoi ? Depuis quatre mois, vous écoutez sans vous faire connaitre ? Mais...
- Oui, et je vous connais un peu. Je peux vous dire que vous aimez la nature, vous êtes romantique...
- Oh ! Ça suffit !
- Ne raccrochez pas Madame ! Vous avez une jolie voix (la phrase qui t'enjole pour que tu restes). Et j'ai compris que vous êtes une amoureuse éconduite. Aussi, j'aimerais faire quelque chose pour vous. Mais je ne vois pas quoi.
- Je n'ai pas besoin de vous. Je me débrouille toute seule. Là je vais raccorcher, je ne suis pas chez moi, et cette conversation n'a pas de sens.
- Ecoutez-moi s'il vous plaît. J'ai un très bon copain à qui il est arrivé la même chose qu'à vous. Il y a quatre mois, sa copine l'a quitté. Il est très triste et fâché, comme vous. En plus il vous ressemble un peu (ben voyons, je vais y croire !).
C'en est trop ! J'agonis mon interlocuteur : voyeur, entremetteur, et autres mots peu aimables, tout en me jurant intérieurement de rouspéter sévèrement chez Orange.
- Allez, notez le numéro de cet ami, c'est le 06 .. .. .. .. . De toute façon personne ne vous oblige à l'appeler. (tu parles, un type qui habite à 600km, qu'est ce que j'en ai à faire ? Je note qaund même le numéro.)
- Au revoir Monsieur. Au fait, comment vous appelez-vous?
- Alain.
- Alain comment ?
- Alain. Tout court !
A peine le téléphone raccroché, avec Virginie, le fou-rire nous prend. On évalue ce que je risque à appeler ce numéro. Finalement, piquée par la curiosité, "pour voir", par jeu, je rappelle. Ouf ! Ce n'est qu'un répondeur.
- Bonjour Monsieur. Excusez-moi de faire irruption dans votre vie comme ça, alors que nous ne nous connaissons pas. Je vous dis juste un poème. Et vlan ! Je dis un poème sur un répondeur inconnu. Tout de go !
Passe la nuit, pleine de remords et de honte. Je ne suis pas dragueuse, ça ne me ressemble pas d'appeler un inconnu comme ça, juste parce que son copain m'a raconté qu'il était triste et seul. Au matin, je décide de rappeler cet homme qui a bien dû se demander toute la nuit qui est cette femme anonyme, énigmatique et saugrenue. En fait, je brûle de curiosité de connaître sa réaction.
- Bonjour Monsieur. C'est moi qui vous ai envoyé un poème hier soir. Je...
- Qui ça, vous ?
Et me voilà en train d'expliquer que le numéro de portable de mon ami a été donné, sans plus de formes, par Orange, à son ami Alain.
- Alain comment ? J'ai plusieurs amis qui se nomment Alain.
- Je ne sais pas, il m'a dit Alain "tout court"...
Et je décline mon identité, les circonstances de mon appel, renouvelle mes plates et sincères excuses. La conversation est engagée. Nous parlons de nos enfants. Soudain le charme opère par le rire "avec les prénoms de nos petites-filles on pourrait faire de la confiture" (Miel et Mirabelle, un joli mélange) . On a les mêmes arbres dans nos jardins (oui, c'est possible et vraisemblable), nos ami(e)s nous ont quittés à la même date, et ainsi de suite.
Et si j'ai fait de la danse folklorique polonaise, lui est carrément d'origine polonaise par sa mère.
Enfin, dans ces cas là, on découvrirait même qu'on s'est lavé avec la meme eau.
Le temps est passé vite et agréablement au téléphone avec cet inconnu. Pour rendre la monnaie du poème reçu, le monsieur me demande :
- Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? (heureusement que le portable ne transmet pas les couleurs... de mes joues à cet instant).
Je réponds :
- Une chanson !
Comment aurais-je pu deviner que ce monsieur chantait ? Et, micro resté ouvert, je l'entends bougonner :
- Mais qui c'est celle-là ? Elle est encore plus dingue que moi ! Ma guitare n'est pas accordée, où est mon médiator, qu'est-ce que je vais lui chanter ? Je ne la connais pas.
Puis j'entends quelques accordds de guitare et :
- Haaa ! Belle inconnue que le hasard m'envoie, lalala lalala...
Alors là, je me dis qu'il a du feeling, et une belle voix aussi. Et je lui trouve plein d'autres qualités.
Nous aurons ce mois-là 3000 francs chacun de téléphone, pas remboursés par Orange (à qui je voulais, la veille, réclamer des dommages et intérêts). Puis l'essence pour se rencontrer, pas remboursée par Orange non plus. Cette histoire a sept ans maintenant, toujours actuelle, puisque c'est la mienne.
Le hasard est l'harmonie du beau et du bien. Et en effet, nous avons tous les deux, au tréfonds de nous, comme une "âme slave" qui sommeille, et fait le limon de nos états d'âmes : la musique polonaise (la Krakowiak )
Arieth
(photo http://aboutpoland.blogspot.com/)
KRAKOWIAK "La krakowiak est une création spontanée des Polonais. Le nombre de ses chansons s'étend à l'infini et beaucoup sont inspirées par l'amour. Cependant il y en a quelques-unes très satiriques et dont l'esprit a fait tous les frais. Puis d'autres qui sont la peinture des mœurs champêtres, puis enfin d'autres qui sont consacrées à la gloire et à la beauté. Celles-ci procurent à l'âme de tendres et pénétrantes émotions. La krakowiak, malgré son origine populaire, se chante dans tous les salons polonais, mais c'est qu'en elle est l'expression pure et complète de la poésie nationale."
Léonard Chodźko, Ignace-Stanislaw Grabowski, La Pologne, historique, littéraire, monumentale et pittoresque
"Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito".
RépondreSupprimerAlbert Einstein
c'est une très belle histoire qui n'arrive pas tous les jours.
RépondreSupprimerau téléphone quand on ne connaît pas c'est souvent une litanie de jurons qu'on entend.
ça pourrait être le début d'une histoire d'amour.
vous êtes vous rentrés?
je voulais dire rencontrés
RépondreSupprimerUne sacrée histoire!
RépondreSupprimermorte de rire du com' de Bataillou!
RépondreSupprimerquel beau lapsus.
j'espère que vous vous êtes bien rencontrés.
C'est une belle histoire.
bisous.
polly
morte de rire pour le com' de Bataillou.
RépondreSupprimerJ'espère que vous vous êtes rencontrés. C'est une belle histoire.
Bisous.
polly